• Le Destin met beaucoup de hasard dans son jeu - Partie 3

    De la boîte elle tirait un jeu de carte, un jeu de tarot. Le dos des cartes était noir, doré sur tranche. Il semblait assez vieux ou du moins, il avait servi vue l’usure des couleurs qui s’étaient partiellement estompées. Elle disposait les cartes sur son tapis qui recouvrait la table basse.


    « Qu’est-ce que c’est comme jeu ? »

     

    « Le Tarot de Belline. C’est une édition limitée et numérotée. Je l’ai récupérée de ma mère qui me l’a offert pour mes dix huit ans »

     

    « Je connaissais l’Oracle, mais pas le Tarot… il est vraiment beau ! »


    Katia me fit un clin d’œil et ramassa les cartes pour les mélanger.


    « Allez, pense à une question ou à un événement et coupe »


    La première chose à laquelle je pensais était Laurine, elle me manquait déjà tellement. Mais j’essayais plutôt de penser à un appartement.


    Katia repris les cartes après que je les ai coupées et les étirant en éventail sur la table me dit :


    « Maintenant, tire-moi quatre cartes s’il te plaît »


    Je m’exécutais. Je passais ma main le long des lames de tarot retournées et en tirait quatre, comme demandé. Katia les plaçait en croix et m’expliquait, avant de les retourner, ce que chacune représentait. Celle de gauche était l’objet de mon questionnement, celle de droite ce qui fait face à ma question, celle d’en haut le présent, le futur immédiat, et enfin celle d’en bas, ce qui risque de se produire le plus assurément dans « un futur » suivant la carte précédente.


    « Veux-tu que je fasse une lecture globale ou tu préfères que je te dise, carte par carte, ce qu’il y a ? »

     

    « Oh fait du global, ça me suffira »


    Katia restait silencieuse. Elle retournait les cartes une à une, ses mains caressaient délicatement chacune d’elles. Elle avait les yeux mi-clos. Je la voyais froncer par moment les sourcils. Ça me paraissait bien long pour me dire si oui ou non j’allais rapidement trouver un appartement. On aurait dit qu’elle essayait d’écouter quelqu’un mais qu’il y avait de la friture sur la ligne. Au bout de plusieurs minutes, elle finit par relever la tête et rouvrir les yeux dans un léger soupir.


    « Bon alors… c’était un assez confus. Je voyais plusieurs choses. Ce qui ne m’étonne pas, il y avait une recherche d’hébergement, mais il y avait autre chose… »

     

    « L’hébergement, c’est tout à fait ça. Et c’est quoi l’autre chose ? »

     

    « Avant tout, je vais tout te dire, mais n’oublie pas qu’il ne s’agit que de tendances, ce n’est pas l’absolue vérité, tout peut changer. Rien que le fait que tu saches peut modifier l’avenir »

     

    « Oui oui, mais là, tu ne me rassures pas trop avec tes mises en gardes »


    Je voyais bien que Katia était gênée par ce qu’elle avait perçu dans mon tirage. Elle replaçait ses cheveux ondulés derrière sa tête, les attachant avec une broche à cheveux en bois finement travaillée. Elle saisi son verre et bu d’un trait tout le jus de fruit fraîchement pressé.


    « Alors, pour l’appartement, ce n’est pas vraiment comme tu l’as prévu. A priori, tu vas passer plus de temps ici que ce que tu pensais. C’est même Cyril qui serait à l’origine de la proposition de t’héberger pendant ton séjour complet. Tu vas surement lui faire une sacrée bonne impression ! »


    Je trouvais bien étonnant que je reste chez eux pendant un mois. Mais bon, je ne vais pas commencer à juger son interprétation.


    « Et le reste alors ? »

     

    « Je ne vais pas y aller par quatre chemins, ça serait inutile. Je m’en excuse par avance Marius »

     

    « Dis moi, ça me stresse… »

     

    « Ta copine n’est pas celle que tu crois »

     

    « Laurine ? Comment ça ? »

     

    « Quand tu rentreras chez toi, à Pau, tu ne seras plus avec elle »

     

    « pfff, ce n’est pas possible. Et pourquoi je romprais ? »

     

    « Pas toi, elle… Elle va rencontrer un autre homme, bien plus âgé, et elle fera sa vie avec lui »


    Je ne savais plus quoi dire, ma gorge était nouée, je croyais être plongé en plein cauchemar. Je me retrouvais propulsé à l’époque où j’étais à St Martin… Mais oui, bien sûr…


    « Je pense que tu te trompes, ce n’est pas mon futur que tu as vu, c’est mon passé ! »

     

    « Pardon ? »

     

    « Oui, c’est de l’histoire ancienne. Quand j’ai quitté la France pour la Suisse, j’ai vécu cette situation avec elle. On s’est retrouvé il y a à peu près deux mois. Ne sois pas mal à l’aise, c’est du passé, plus rien à craindre de ce côté-là »


    Katia ne semblait pas convaincue mais elle acquiesçait, résignée. Ça ne pouvait être que ça, après notre dernière nuit ensemble, j’en étais certain, il ne pouvait en être autrement. Katia ne pouvait avoir vu que mon passé vis-à-vis de ma relation avec Laurine.


    « Bon Katia, si on allait prendre l’air un peu avant que Cyril ne rentre. J’aimerais qu’on lui prépare une surprise qui lui fasse bien plaisir, et puis, si je dois rester un mois comme le disent tes cartes, mieux vaut que je me fasse le plus agréable possible, non ? »


    Katia éclatait de rire, les larmes aux yeux.


    « Alors toi, tu es excellent. Tu as raison, on va aller faire quelques courses et lui préparer un super repas. On a le temps de bien s’appliquer, il ne rentrera pas avant 21h00 »


    Il était dans les environs de 16h30. Du coup, nous en avons profité pour nous balader. Katia m’amena à Notre-Dame pour flâner dans ses quartiers. Nous avons dégusté une glace, tout en remontant ensuite vers Chatelet, histoire de passer chez des petits épiciers pour prendre de bons légumes. Ça faisait tellement longtemps que je n’étais pas revenu à Paris que j’avais l’impression de la redécouvrir, même si rien ne changeait. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Laurine, comme nous aurions été bien ensemble ici, mais peut être arriverait-elle à venir le temps d’un weekend ? Il était déjà temps de rentrer pour préparer le dîner. Poisson et légumes frais. Il me tardait de me mettre à table… Comme prévu, Cyril était rentré sur les coups de 21h00. En effet, il était super sympa. Ça faisait longtemps que je n’avais pas autant ris à en pleurer. J’en avais mal aux zygomatiques et au ventre. En toute confidence, j’ai su à ce moment là que j’avais bien des abdos…

    Les jours suivants se passèrent à merveille, Katia, Cyril et moi formions un sacré trio. La cohabitation se faisait naturellement, sans problème et comme l’avait prédit Katia, au bout de 2 semaines, Cyril me proposait de rester chez eux. Il appréciait à la fois mon humour et ma discrétion, alors pourquoi me laisser m’engager dans des frais locatifs? Et puis, comme il l’avait justement relevé, en tant qu’agent immobilier il pouvait m’assurer que louer un appart pour un mois, c’était mission impossible. Voilà un poids en moins. Pendant ces quelques semaines, Katia m’emmenait dans des boutiques et librairies ésotériques, comme « La Mandragore », où la vendeuse était super sympa ! J’en avais profité pour acheter à Lambert une statuette d’un diable rouge, comme une gargouille, car je savais qu’il aimait bien les vampires, le diable, etc. J’étais certain que ça lui ferait plaisir. Mais mon gros coup de cœur a été pour une grande boutique de pierres. Je ne te dis pas le nom, à toi de la découvrir par toi-même… un peu de mystère quand même ! En tout cas, c’est un véritable paradis où l’on peut trouver des géodes, des boules, des pierres roulées, de partout dans le monde. J’ai tellement aimé, que désormais, à chaque fois que me rends sur Paris et si j’ai le temps, je vais y faire un tour.

    Même si je m’amusais bien, mes pensées allaient vers ma chère et tendre qui n’avait pu avoir le temps et l’argent de monter. Mais tous les deux jours nous nous appelions, tout allait bien, et même pas un sms lâche pour que l’on se sépare… J’étais rassuré, Katia s’était bien plantée sur ce coup.

    Les trois quarts de mon « séjour » parisien s’étaient déjà écoulés, et même si nous étions juste à côté, nous ne nous étions même pas rendus au Père Lachaise. Il était tout de même temps d’y aller. Cyril avait voulu venir avec nous. Quel cimetière ! Certaines sépultures sont vraiment… des œuvres d’art. Une retenait particulièrement mon attention. La porte du caveau était encadrée par deux immenses statues dont les drapés sculptés étaient impressionnant de réalisme. Cyril profitait de la promenade pour prendre quelques clichés et nous taquiner « oh, un fantôme… ah non, c’est un oiseau ». Intenable, mais il nous faisait bien rire. Katia nous entraînait vers une tombe qui était devenue un lieu de culte : la tombe d’Allan Kardec. Il s’agit de la référence mondiale au sujet du spiritisme. Et naturellement, se retrouver devant cette stèle couronnée par un buste du grand spirite, ça nous avait donné quelques idées.


    « Chéri, vu que tu n’y crois pas, ça ne te dérangerait pas que l’on se fasse une petite séance de spiritisme ce soir ? »